Kho Tàng Truyện Cổ Tích Việt Nam

TRÉSOR DES CONTES VIETNAMIENDE NGUYEN DONG CHI[2]



Cet ouvrage en plusieurs volumes (dont 2 parus en 1957 et réedités en 1961) a l’ambition de réunir l’essentiel des contes et légendes du Vietnam traditionnel: c’est en quelque sorte l’équivalent de ce qu’a fait Henri Pourra pour la littérature populaire de la Vieille France (Trésor des contes, Gallimard).

Plusieurs auteurs contemporains, français et vietnamiens, se sont déjà donné pour tâche de recueillir et de faire connaître les contes vietnamiens mais Nguyễn Đổng Chi semble être le premier à accomplir ce travail de façon assez scientifique et adéquate. Son ouvrage comporte trois parties dont la première et la troisième sont deux études très utiles pour la compréhension et l’apréciation de ce domaine de la littérature orale vietnamienne: les contes. Nous ne pouvons pas actuellement analyser la troisième partie de l’ouvrage de Nguyễn Đổng Chi relative à la signification, à la valeur et aux caractéristiques des contes vietnamiens des points de vue de l’art littéraire et de la pensée philosophique, cette partie se trouvant dans le dernier volume à paraître. Analysons donc ce qui a été publié – la première et un morceau de la deuxième partie.

La deuxième partie de l’ouvrage est constituée par la masse des contes choisis par l’auteur suivant des critères qui les distinguent assez nettement des autres genres de la littérature orale. Les volumes 1 et 2 renferment 80 contes qui sont, non pas classés mais groupés sous certaines rubiques qui facilitent l’ordre dans la lecture: rubiques “contes explicatifs de l’origine des bêtes et des choses”, contes explicatifs des sites célèbres du pays (légendes topographiques et toponymiques), contes tirés des histoires véctues (et devenues exemplaires pourle discernment du bien et du mal

et donnant lieu à des locutions proverbiales allusives), légendes exaltant la force, la vertu ou l’intelligence des personnages historiques ou pseudo-historiques.

Cette deuxième partie de l’ouvrage, quoique partiellement publiée, est remarquable par plusieurs qualités: d’abond le style de l’auteur est, quand il raconte, simple, alerte, primesaitier, tantôt humoristique, tantôt réaliste, tout à fait adapté au fenre du conte narré. A ce point de vue il faut reconnaître la supériorité de Nguyễn Đổng Chi sur les autres auteurs contemporains des recueils de contes. Il possède les dons d’un écrivain qui sait transcrire fidèlement la verve, la naïveté et l’émotion des conteurs et poètes populaires. Certains contes, sous sa plume, sont devenus de purs petits chefs – d’œuvre òu la posésie et le réalisme de l’existence sont fondus dans une unité d’intérêt (Cf. : la légende de la dame triste, I, p. 205 – 207; la légende du neveu impie transformé en oiseau, I, p. 80-82). D’autres contes sont admirables par la drôlerie et la qualité de l’humour qui jaillisent des circonstances critiques d’une réalité riche en péripéties mouvementées, dramatiques ou tragico – comiques (Cf. la légende explicative de la cicatrice sous le cou des buffles, I, p.136 – 138; la légende explicative de l’origine des rizières dites “thác đao” (litt. “lancer le couteau”); légende du héros populaire paysan Chàng Lía, II, p. 125 – 132).

Remarquable aussi est la diversité de la documentation qui a fourni à Nguyễn Đổng Chi la substance des contes. Cette documentation s’appuie d’abord sur des sources orales recueillies directement par l’auteur dans plusieurs régions, du Nord ou Sud du pays, et aussi chez certains peuples minoritaires tels que les Proto-Indochinois des Haut – Plateaux du Centre Vietnam. Elle s’appuie ensuite aussibien sur les textes écrits en langue chinoise (Bội văn vận phù, Thiếu vi thông giám, Dân gian văn nghệ tuyển tập) que ceux écrits en langue vietnamiene (travaux de Trương Vĩnh Ký, Huỳnh Tịnh Của, Nguyễn Văn Ngọc) et franąaise (travaux de Cosquin, Landes, Cesbron, Génibrel, Dumoutier, etc.).

Un des grands mérites de l’auteur du Trésor des Contes Vietnamiens est d’avoir été le premier à établir, après le texte de chaque conte, des “variantes”, rapprochements et comléments puisés non seulement dans le domaine Vietnamien mais aussi dans le domaine des contes de plusieurs peuples de l’Ancien Monde: Chine, Inde, Afghanistan, Afrique, Madagascar, Europe, Sicile, Russie, Arabie, Ce travail, prolongeant les recherches de Cosquin, de Przyluski, etc… sur la parenté des contes, sur leur circulation d’un continent ou d’un sous-continent à l’autre, est apliqué pour la première fois aux contes vietnamiens, dépassant le stade analytique, thématique et pour ainsi dire morphologique. Ce travail de recherches sur les sources et les origines des contes sera utile et peut être indispensable à la connaissance de la genèse et du développement de la civillisation vietnamienne aux origines composites multiples.

Pré édant la deuxième partie de l’ouvrage qui renferme le texte des contes dont nous venons d’analyser brièvement le style, le travail de documentation et de présentation, une importante partie introductive s’intitule “les Contes en générales est d’ailleurs fort réduite en regard des considérations particulières à la nature, à l’origine et à l’évolution des contes vietnamiens (I, p. 7-64).

Le chapitre I traite de la nature des contes: l’auteur y aborde succesivement: la critique des systèmes de classification qui ont été proposés avant lui pour les contes vietnamiens; la distinction des contes d’avec les autres genres de la littérature orale et écrite vietnamienne, l’exposition d’une nouvelle classification et la mise en évidence des caractéristiques de ce genre littéraire. Avant de faire la différence parfois fort complexe entre contes et légendes (légendes historiques notamment), fables, histoires drôles histoires bouffonnes (tiếu lâm), histoires d’actuallité (truyện thời sự), roman et histoire, l’auteur a écarté les classifications traditionnellement proposées quand elles ne tiennent pas compte des critères logiques critères qui doivent être recherchés dans l’essence même des contes. Selon lui, les caractéristiques les plus importantes en sont les suivantes: 1. le caractére ancien des faits racontés, la vétusté des traits prêtés aux personnages, de l’ambiance dans laquelle ils se meuvent, bref une image qui doit être autant que possible immémoriale, familière au peuple dont l’inconscient est fortement imprégné; 2. le caractère populaire, conforme au génie de l’ethnie vietnamienne, des faits racontés: ceux-ci ne doivent pas comporter des éléments étrangers à la mentalité du peuple et sortant de la vision du monde traditionnellement adoptée par lui. Les contes sont d’ailleurs une œuvre collective, réflétant le terroir, les coutumes et les mœurs du peule. Nguyễn Đổng Chi a insisté sur ce caractère “ethnologique” (dân tộc tính), des contes; 3. le caractère artistique et la signification “philosophique” des contes: ne peuvent être considérés comme des contes que les histoires qui impliquent un intérêt pour l’auditeur ou le lecteur, une signi- fication relative à l’existence humaine, une conclusion, idée, pensée tacite ou clairement exprimée, mais toujours significative. En plus du contenu de la pensée, les contes doivent répondre à une exigence de l’esthétique littéraire, être des histoires pourvues d’une intrigue qui débute, se développe, se dénoue vers une conclusion prévue (ou imprévue mais vraisemblable et satisfaisante pour l’imagination de l’auditeur) et d’une psychologie qui fait mouvoir des personnages dans les limites raisonnables de la pitié, de la terreur, de la

désapprobation ou de l’admiration. Un conte doit être donc une œuvre littéraire ralativement élaborée avec un certain talent.

Après avoir dégagés ces caratéristiques des contes, l’auteur a proposé une classification en trois catégories: les contes fabuleux, les légendes historiques et les histoires vraisemblables.

Le chapitre II de la première partie aborde le problème de l’origine des contes. L’auteur y examine notamment: le chemin parcouru des mythes aux légendes et aux contes, la genèse d’un conte à partir d’un fait historique ou d’un fait d’ actualité courante, la vision du monde sous-jacente à l’univers des contes qui est aussi celle qu’adopte le peuple vietnamien traditionnel depuis le début de son évolution jusqu’à maintenant. Cette vision du monde peut se résumer dans les traits suivants: l’âme est immortelle grâce à la métempsycose, elle réside soit dans le corps humain, soit dans les animaux, soit dans les végétaux. En dehors du monde terrestre il existe aussi trois autres mondes: ceux du Ciel, des Eaux et de l’Enfer. Le monde terrestre n’est pas seulement l’habitat des humains et d’autres êtres vivánts mais aussi le lieu de passage des divinités, immortels démons et diables.

Ces êtres surnaturels se divisent en deux espèces: ceux qui sont bons et ceux qui sont mauvais; on peut encore distinguer ceux qui son aimables et adorables et d’autres suspects ou haïssables mais dont il faut néanmoins se concilier les faveurs. Ces êtres surnaturels ont des passions, des qualités et des défauts en tous points semblales aux manifestations du caractère humain.

Le chapitre III examine l’évolution des contes vietnamiens à travers les âges: le premier âge des contes se situe après celui des mythes. Leur naissance date sans doute de l’époque de la domination chinoise qui suit l’époque du régime tribal des Protovietnamiens: des héros et athlètes sont idéalisés, divinisés, et donnent lieu à des légendes qui consolent le peuple en esclavage et nourrissent son désir de s’émanciper, de vaincre. Le deuxième âge corespond à l’époque de la féodalité indépandante: pendant cette époque, contes et légendes foisonnetm réflétant d’une part l’existence du paysan, ses conceptions sur la destinée, la vie et le monde et, d’autre part, la vertu, la force et l’intelligence d’un certain nombre de personnages populaires qui représentent le génie national. Les contes subissent l’influence des religions officielles d’importation étrangère (bouddhisme, taoïsme) les êtres qu’ils mettent en scène n’ont plus le caractère spontané, primesautier, imsouciant ou insolent des personnages de la mythologie, mais l’art littéraire qui caractérise ces contes et légendes est supérieur à celui des mythes. L’intrigue, les péripéties du récit comportent un enchainement plus logique, la psychologie des personnages se fait plus complexe, plus nuancée, plus conforme aux traditions humanistes des hommes civilisés. Sous les dynasties Lê et Nguyễn, les contes subissent l’influence du confucianisme, notamment sur le plan moral. Après avoir atteint l’apogée de leur évolution au cours des périodes monarchiques, ils s’acheminent vers une décadence et durant ces derniers siècles sont concurrencés par le développement d’une littérature populaire et savante, fertile en romans, nouvelles et pièces de théâtre, puis par celui des moyens d’information de masse tels que le cinéma, le journal. L’âge de décadence des contes est aussi celui òu ils commencent à être collectés et fixés par des contes chercheurs qui essaient ainsi de sauvegarder cette part du trésor de la littérature populaire.

A vrai dire le travail de collecte des contes a commencé depuis l’époque de la dynastic des Trần avecl’ auteur du Việt điện u linh tập, mais les anciens auteurs se sont intéressés à ce travail moins pour les contes eux-mêmes que pour ladocumentation historique et religieuse. Nguyễn Đổng Chi a donné une liste qui semble exhaustive de tous les recueils de contes que nous a laissé la longue tradition descollecteurs d’ obédience confucéenne depuis Lý Tế Xuyên jusqu’à Phạm Đình Dục (I, p. 54-58). Il a évoqué enfin quelques auteurs contemporainsqui cherchent à préserver le patrimoine culturel populaire du Vietnam en recueillant et en publiant des contes et légendes (I, p. 63). Le travail deces auteurs animés de la meilleure volonté présente pourtant des faiblesses provenant, de leur méthode de recherche et des critères qu’ilsapportent dans l’appréciation des contes, tant au point de vue de la forme qu’ au point de vue du contenu. Ces auteurs ont effectué surtout un travail de pionniers. Dans son Trésor des Contes et Légendes Vietnamiens, Nguyễn Đổng Chi s’estefforcé de combler les insuffisances de ses prédécesseurs en présentant pour la première fois une introduction assez développée aux problemesralatifs à l’origine et à l’évolution de ce genre littéraire populaire. La partie concernant l’appréciation dela signification et des valeurs des contes est à paraître, mais avec la publication des deux premiers volumes de ce long ouvrage, l’étude des contes vietnamiens a déjà marqué un net progrès.

LÊ VĂN HẢO

(BEFEO, No 1-1964; p. 275-278)

Theo Lăng-đờ (Landes). Sách đã dẫn.

Édités par Institut d’Études historiques en plusieurs volumes, Hanoi, 1961, 2 éd., 2 volumes parus: 221 p. et 196 p. in- 12.


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